lundi 6 février 2017

La classe de neige, Emmanuel Carrère

Note : ****

Récompenses:

Fémina - 1995

Présentation de l'éditeur, P.O.L.:

Dès le début de cette histoire, une menace plane sur son petit héros : nous le sentons, nous le savons, tout comme lui le sait, l’a toujours su. Pourtant, quoi de plus ordinaire qu’une classe de neige ? Mais celle-ci, à partir d’un incident apparemment mineur (son père qui l’a amené en voiture repart en emportant les affaires de l’enfant) va tourner au cauchemar. Et si nous ignorons d’où va surgir le danger, quelle forme il va prendre, qui va en être l’instrument, nous savons que quelque chose est en marche, qui ne s’arrêtera pas.

Ce roman impitoyablement écrit raconte l’un des pires malheur qui puisse arriver à un enfant, un malheur, né autant de son imagination que du monde qui l’entoure, et contre lequel il sera totalement démuni car il touche le cœur de ce qui fait sa faiblesse, sa vulnérabilité et le prive de toute issue, de tout recours.



Lire le début



L'auteur :

Emmanuel Carrère, né le 9 décembre 1957 à Paris, est un écrivain, scénariste et réalisateur français.
Il est diplômé de l'Institut d'études politiques de Paris.
Il débute comme critique de cinéma pour Positif et Télérama. Son premier livre, Werner Herzog, paraît en 1982.
Il publie son premier roman L'Amie du jaguar en 1983 chez Flammarion. Le suivant, Bravoure, sort un an après chez POL, éditeur à qui il confiera tous ses autres ouvrages par la suite. Il publie en 1986 le roman La moustache aux éditions POL, dont il réalisera lui-même l'adaptation cinématographique en 2005.

En janvier 1993, Emmanuel Carrère entreprend l'écriture d'un livre autour de l'affaire Jean-Claude Romand. Cela n'aboutira que sept ans plus tard avec la publication de L'Adversaire qui marque un tournant dans la production littéraire de Carrère. Depuis, Carrère n'a pas écrit d'œuvres fictionnelles. L'Adversaire présente aussi le travail de l'écrivain, la lente gestation de l'œuvre. Cette œuvre reste essentielle dans la production de l'écrivain, le succès critique et populaire ne s'est jamais démenti.

Il entame dans les années 1990 une carrière de scénariste avec l’adaptation de ses propres romans comme L'Adversaire et La Classe de neige, avant de se lancer dans la réalisation avec Retour à Kotelnitch et La Moustache.

En 2011, il reçoit le prix Renaudot pour sa biographie romancée de l'écrivain, dissident et homme politique russe Édouard Limonov, avec lequel il a vécu pendant trois semaines à Moscou pendant la préparation du livre. Il est difficile de définir si le livre est un roman, une biographie ou un essai, car, si Limonov est bien le héros du livre, Carrère attache une très grande place à l'analyse de la littérature russe, ainsi que de l'histoire de l'URSS et de la Russie post-soviétique. C'est un des grands succès commerciaux de la rentrée littéraire 20116.

En 2014, il publie Le Royaume, récit qui retrace la naissance du christianisme, en s'intéressant tout particulièrement aux parcours des personnalités des apôtres Paul et Luc. Comme souvent dans ses romans, il mêle à l'intrigue principale l'évocation de son propre parcours, et il y développe notamment l'évolution de son rapport à la foi chrétienne. Le livre connaît une des plus larges couvertures médiatiques, et des meilleures réceptions critiques de la rentrée littéraire 2014.

Ma critique :

Qu'il est bien ficelé ce livre !
On se laisse berné par l'auteur qui petit à petit distille des éléments perturbants jusqu'à être totalement effondré à la fin.

Au départ, on suit Nicolas qui doit partir en classe de neige avec sa classe de CM1 mais on se rend compte que ce petit garçon est timide, peureux et étouffé par son père qui tient également des propos qui alimentent cette peur.

Ayant tous connu une classe de neige, ou classe verte, on se dit que ce petit Nicolas (qui n'a rien de la débrouillardise et de l'audace de celui de Goscinny) va s'y plaire en classe de neige, et puis nous aussi on en revient.
De part le trouble qui envahit se petit garçon, à s'imaginer des issues toujours fatales, à fantasmer des catastrophes, des disparitions et même des morts. D'autre part, avec le drame qui va s'y dérouler (et dont je ne dirai rien).

Emmanuel Carrère a su concrétiser le mal qui caractérise les familles en souffrance: les non-dits, les tabous. Ce que l'enfant imagine de situations ambiguës, de choses dont on ne doit pas parler.

L'enfant est un être doué d'intelligence parfois même plus que l'adulte et si son petit cerveau occulte certains gestes, certains événements notamment lorsque les proches sont impliqués (ce qu'on appelle le déni), avec l'âge de raison les éléments refont surface, un peu dans le désordre, sous d'autres traits mais tout comme cette grosse boule noire qui envahit Nicolas, tout remonte à la surface.

J'ai tout particulièrement aimé la fin parce qu'il est rare qu'un écrivain respecte autant ses lecteurs en le laissant appréhender lui-même ce qu'il s'est passé. Merci M. CARRERE.

Quelques citations relevées :

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C'était l'été, on étouffait dans ce climat de siège, de catastrophe et de secret. Nicolas et son petit frère demandaient leur père, mais il était parti pour une longue tournée, disait-elle, il les rejoindrait dans l'autre ville, dans le nouvel appartement. Le dernier jour, une fois emballées les caisses que les déménageurs devaient venir chercher après leur départ, il s'étaient assis au milieu de sa chambre vide et il avait pleuré comme on pleure quand on a sept ans et qu'il se passe quelque chose d'affreux qu'on ne comprend pas. Sa mère avait voulu le prendre dans ses bras pour le consoler, elle répétait sans cesse Nicolas, Nicolas, et il savait qu'elle lui cachait quelque chose, qu'il ne pouvait pas se fier à elle. Elle s'était mise aussi à pleurer, mais comme elle ne lui disait pas la vérité ils ne pouvaient même pas pleurer ensemble.
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La neige recouvrait tout. Il en tombait encore, des flocons que le vent faisait doucement tournoyer. C’était la première fois que Nicolas en voyait autant et, du fond de sa détresse, il ressentit de l’émerveillement.
       
       
Fiche technique :

Editeur: POL    Date d'édition : Mai 1995   176 pages


Pour aller plus loin :





La bande-annonce du film adapté par claude Miller