jeudi 28 janvier 2016

Danser les ombres, Laurent Gaudé

Note : *****



Présentation de l'éditeur, Actes Sud :


En ce matin de janvier, la jeune Lucine arrive de Jacmel à Port-au-Prince pour y annoncer un décès. Très vite, dans cette ville où elle a connu les heures glorieuses et sombres des manifestations étudiantes quelques années plus tôt, elle sait qu’elle ne partira plus, qu’elle est revenue construire ici l’avenir qui l’attendait.
Hébergée dans une ancienne maison close, elle fait la connaissance d’un groupe d’amis qui se réunit chaque semaine pour de longues parties de dominos. Dans la cour sous les arbres, dans la douceur du temps tranquille, quelque chose frémit qui pourrait être le bonheur, qui donne l’envie d’aimer et d’accomplir sa vie. Mais, le lendemain, la terre qui tremble redistribue les cartes de toute existence…
Pour rendre hommage à Haïti, l’île des hommes libres, Danser les ombres tisse un lien entre le passé et l’instant, les ombres et les vivants, les corps et les âmes. D’une plume tendre et fervente, Laurent Gaudé trace au milieu des décombres une cartographie de la fraternité, qui seule peut sauver les hommes de la peur et les morts de l’oubli.




Lisez les 1ères pages




L'auteur :
Romancier, nouvelliste et dramaturge né en 1972, Laurent Gaudé publie son œuvre, traduite dans le monde entier, chez Actes Sud.

Il est notamment l’auteur de Cris (2001), La mort du roi Tsongor (2002, prix Goncourt des lycéens 2002, prix des Libraires 2003), Le soleil des Scorta (2004, prix Goncourt 2004, prix Jean-Giono 2004), Eldorado (2006), Dans la nuit Mozambique (2007), La porte des Enfers (2008), Ouragan (2010), Les oliviers du Négus (2011), Pour seul cortège (2012) et Danser les ombres (2015).


Ma critique :

Lucine, jeune haïtienne qui revient à Port-au-Prince, après 5 ans d'absence où elle a sacrifié ses luttes, ses ambitions politiques, personnelles pour s'occuper de sa sœur Nine, handicapée mentale et enceinte.
Lucine revient pour demander assistance financière au père de ce 1er bébé mais elle sait qu'elle ne repartira, que Port-au-Prince est sa ville, où elle est en harmonie, en symbiose. Même si elle laisse la charge de ses deux neveux à leur autre sœur restée à Jacmel, elle n'éprouve pas de remords, elle veut se sentir exister.
On suit Lucine qui va renouer avec son passé, à l'époque elle avait perdu sa meilleure amie, battue pour ses convictions politiques et va avoir le coup de foudre pour son frère, Saul. Un des personnages centraux du livre. Effondré par la mort de sa sœur qui lui avait permis la reconnaissance de la famille, lui, le bâtard, il est parti s'exiler à Cuba et est revenu pour poursuivre sa mission, aider, soigner les plus démunis.

Il prend alors Lucine sous son aile et l'installe dans un ancien bordel, appelé "Fessou" où elle côtoiera au moins le temps d'une soirée, un melting-pot d'individus. Prophète Coicou, l'ancien celui a connu la dictature Duvalier, Pabava et Facteur Sénèque les amis inséparables qui ont été torturés sous Duvalier fils et les plus jeunes, Jasmin Lajoie, dit "Mangecul" (le séducteur de ces dames) et Bourik, le robuste, le volontaire.
Dans les hauteurs bourgeoises, on fait la connaissance de la petite Lily, mourante et qui est revenu de Miami pour mourir dans son pays. Elle apportera beaucoup au lecteur concernant le clivage blancs et noirs, bourgeois et pauvres, l'amour du pays et l'eldorado américain.
Et au milieu de ce monde, un fantôme, vivant ou si peu, Firmin... qui survit, erre dans son taxi. Il est hanté ses démons ...

Et arrive ce terrible jour, ces 35 secondes qui vont changer le pays, ces personnages, basculant de vie à trépas ... on perçoit ses corps mutilés, estropiés, hagards, mourants, mais par dessus tout on voit la force de ce peuple qui sans réfléchir, sans se tourner vers leur gouvernement ou l'extérieur, fait preuve d'une générosité, d'une solidarité, d'une fraternité exemplaire. Qui en ressortira vivant ? Même si personne ne ressortira indemne, et surtout pas le lecteur.

Lorsqu'on ressort d'une lecture si poétique, si voluptueuse comme l'ambiance qu'il décrit, les paysages, les corps, les esprits, ...il est difficile de commenter. Tout est bien fade et très en deçà de notre ressenti.

C'est un roman humaniste où dès le départ on est emporté à plus de 7000 kms, on est happé par la circulation, les cris des vendeurs, on suffoque dans la chaleur oppressante, on frissonne lors des combats de coqs, on participe aux parties de dominos, aux discours philosophiques, politiques et on est abasourdi par la violence du drame, on espère, on doute, et on reprend espoir tout comme eux.

Il y a une phrase omniprésence tout au long du roman qui résume à elle seule le livre :
"C'était magnifique ..."


Quelques citations relevées :(difficile de faire un choix)

(...)non, qu'il s'use les poings sur son visage et ses côtes, il n'empêchera rien, le bonheur est là, d'être libre, avec d'autres hommes libres, à cracher sur Duvalier haut et fort s'ils le veulent, à boire du rhum en chantant de vieilles chansons d'opposants, le bonheur d'avoir construit une vie malgré la cave sans fenêtre (...)

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 - J'y croirais volontiers à vos histoires d'instants, s'il n'y avait pas la mémoire ...
Les deux compères se turent, surpris par l'argument de leur ami. Le facteur se hâta de poursuivre.
- L'instant, d'accord. Si nous étions des êtres sans aucun souvenir, alors, oui. Va pour le bonheur comme une succession d'états de plaisir, de douceur. Mais il y a la mémoire, mes amis. Pourquoi sommes-nous dotés de mémoire si nous sommes voués à l'instant?                                        
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 Est-il possible que l'urgence vous débarrasse de la faculté d'être homme? Qu'il y ait dans l'action face à la souffrance quelque chose de vif, de concentré qui vous soulage des tourments de l'inutilité et ressemble, une fois la journée passée, non pas au bonheur mais à une sorte de satisfaction parce qu'on a fait peu, mais de toutes ses forces ?
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 Suffit les morts. Vous voulez les garder près de vous parce que vous avez peur du deuil. Mais les morts ne peuvent rester ici simplement pour éviter aux vivants de pleurer. 


Fiche technique :

Editeur: Actes Sud                 Date d'édition : Janvier 2015      250 pages


Pour aller plus loin :



Sur ce lien, vous pourrez suivre les itinéraires de nos personnages, superbe idée :

Géolocalisation des lieux du livre

 Le quartier coloré de Jalousie


et une vue de Port-au-Prince


Les dégâts du tremblement de terre


vendredi 22 janvier 2016

Prix CLARA 2015


Note : *****



Présentation de l'éditeur, Héloïse d'Ormesson:


Inspirées par H. P. Lovecraft, les Pink Floyd, Maupassant ou encore Kate Bush, ces sept nouvelles vont vous surprendre ! Au programme, une expérience par-delà la mort, une rencontre du troisième type avec un robot au grand cœur, ou le combat d’une jeune humanitaire contre Ebola.

Drôles, mélancoliques, parfois violentes, les histoires de Lucie, Anne-Lise, Tamara, Louise, Elora, Marie et Chimène nous invitent à partager leurs préoccupations, leur regard tendre, amusé ou révolté sur l’actualité. En filigrane, les mots, spontanés, laissent se dessiner les courbes de leur sensibilité et de leurs rêves.



Feuilletez un extrait




Les auteures :




Plusieurs centaines d'adolescents âgés de moins de 17 ans, en France et dans tous les pays francophones, ont participé à ce concours de nouvelles. Sur quelques six cents nouvelles envoyées, seulement une poignée sera retenue pour former ce recueil, offrant ainsi l'opportunité à des écrivains en herbe d'être publiés.Cette année les lauréates sont : Lucie, Anne-Lise, Tamara, Louise, Elora, Marie et Chimène



Ma critique :


Je découvre ce prix Clara, grâce au site Lecteurs.com et aux Editions Héloïse d'Ormesson, qui m'ont fait le cadeau de m'envoyer ce livre pour y donner mon avis.
Quelque soit le site ou la maison d'éditions, je précise que je donne mon avis de façon impartiale même si dans ce cas-ci, on ne peut qu'être sensibilisée au jeune âge des écrivaines et à leur statut d'amatrice.

J'ai été agréablement surprise par la diversité des thèmes abordés mais surtout, et ce malgré leur jeune âge (elles ont toutes 17 ans sauf la dernière qui a 13 ans), par les messages humanistes, sociaux, environnementaux qui sont véhiculés. Nous passons du manque de père à la recherche d'amour d'un robot, en passant par des thématiques fortes comme les mariages arrangés de mineure, la violence physique et psychologique des cours d'école, la culpabilité, la maltraitance, l'homosexualité.

Certaines ont fait preuve d'originalité dans la forme, je pense à "Comme une histoire", d'autres ont soigné leur chute, comme "Le plus beau jour de sa vie" et "Héritage".

Chacune a développé un style propre à elle-même : d'un côté, l'accent est mis sur la description des lieux, des gestes, d'autres sur l'ambiance absurde, oppressante ou légère.

Le - : le côté "scolaire", appliqué de descriptions, de situations a perturbé mon ressenti, le partage d'émotions que l'on sent vouloir transmettre mais qui reste en surface pour certaines histoires.
Le + : les hommages à la lecture qui sont présents dans la quasi-totalité des histoires; du coup, on ressent cet amour pour la littérature qu'elles veulent partager avec leurs lecteurs et lectrices.

Mon coup de coeur : La Rumeur . Cette histoire est bien construite, le parallèle historique est subtil et le message est simple parce qu'il n'y a la moralisation adulte que l'on pourrait trouver dans la littérature plus classique.


Félicitations à toutes ces demoiselles d'avoir réussi la prouesse d’être sélectionnées parmi 600 concurrents et de convaincre un jury pointu en la matière !


Fiche technique :

Editeur: Héloise d'Ormesson            Date d'édition : Novembre 2015               144 pages


Qu'est-ce que le Prix CLARA ?


Créé en 2006 en mémoire de Clara, décédée subitement à l’âge de 13 ans des suites d’une malformation cardiaque, le Prix Clara couronne chaque automne les lauréats d’un grand concours de nouvelles ouvert aux adolescents de moins de 17 ans. Le jury, présidé par Erik Orsenna, est composé de onze personnalités du monde des lettres et de l’édition.

Vous pouvez visiter le site du Prix CLARA

« Clara avait 13 ans. Clara aimait lire. Clara aimait écrire. Clara nous a quittés. Brusquement. C’est en l’honneur de Clara que nous avons voulu créer ce prix destiné aux adolescents qui aiment lire et écrire. Comme Clara. »
Erik Orsenna, président du jury du Prix Clara.


Les textes couronnés sont rassemblés dans un recueil intitulé "Pour Clara", édité aux Éditions Héloïse d'Ormesson et mis en vente chaque automne dans toutes les librairies au prix de 10 euros.

Les bénéfices de la vente du livre seront versés à l’Association pour la recherche en cardiologie de l’hôpital Necker-Enfants malades (ARCFA). Clara souffrait d’une malformation cardiaque de naissance. Les jeunes qui en sont atteints vivent rarement plus de vingt ans. Les médecins ne savent ni pourquoi ni comment ce type de malformation cardiaque, grave, se développe. Aucun signe annonciateur ne permet d’en être alerté, ce qui en fait une maladie indécelable.


Acheter Pour Clara, faire un don à cette association, c’est donner les moyens aux chercheurs de trouver un jour des outils de diagnostic efficaces pour sauver ces enfants.


Comment faire un don ?

Clara souffrait d'une malformation cardiaque de naissance. 
Les jeunes qui en sont atteints vivent rarement plus de vingt ans. 
Il est possible de dépister cette malformation. Cependant, aucun élément ne permet d'être alerté, car l'enfant ne manifeste aucun signe annonciateur. Les médecins ne savent ni pourquoi, ni comment, ce type de malformation cardiaque, grave, se développe. 

Deux mois avant, la mort de Clara, un professeur de cardiologie pédiatrique de l'hôpital Necker-Enfants malades avait créé l'ARCFA : l'Association pour la recherche en cardiologie du fœtus à l'adulte. 

Vous aussi, aidez-nous à soutenir ces recherches pour qu'un jour, des outils de diagnostic puissent exister et que ces enfants soient soignés. 

Vos dons, déductibles fiscalement, doivent être envoyés par chèque à l'ordre de l'ARCFA à l'adresse suivante : Images
Madame Descamps "Prix Clara"
ARCFA - Service de cardiologie pédiatrique
Hôptal Necker - Enfants malades
149, rue de Sèvres, 75743 Paris Cedex 15

Vous pouvez aussi faire des dons ici http://www.arcfa.fr/dons/

Electre, Jean Giraudoux

Note : *****



Présentation de l'éditeur, Le livre de poche :


Agamemnon, le Roi des Rois, a sacrifié sa fille aux dieux. Son épouse, Clytemnestre, l'assassine à son retour de la guerre de Troie, aidée de son amant, Égisthe. Oreste, le fils unique, est banni. Reste Électre, la seconde fille. « Elle ne fait rien. Elle ne dit rien. Mais elle est là.» Aussi Égisthe veut-il la marier pour détourner sur « la famille des Théocathoclès tout ce qui risque de jeter quelque jour un lustre fâcheux sur la famille des Atrides.» Mais Oreste revient et désormais Électre n'est plus que haine, assoiffée de justice et de vengeance au mépris de la menace qui pèse sur le royaume des siens.

Sur ce grand mythe de l'Antiquité, Jean Giraudoux a écrit sans doute sa meilleure pièce. Électre possède une grande force tragique sans jamais perdre cet esprit étincelant, cet humour qui ont fait de Jean Giraudoux l'un des plus grands écrivains du XXè siècle.




Feuilletez




L'auteur :
Jean Giraudoux est né en 1882, il est reçu à l'Ecole Supérieure Nationale en 1903. A partir de 1910, il devient diplomate et Vice-consul à la direction politique et commerciale du ministère des Affaires étrangères, il sera inspecteur des postes diplomatiques et consulaires en 1934, puis, en 1939, commissaire à l'Information, poste qu'il abandonnera l'année suivante pour se retirer près de Vichy, à Cusset.
Jean Giraudoux est un des dramaturges français le plus considérable de l'entre-deux-guerres. Il a écrit des pièces célèbres comme Amphitryon 38 (1928), La guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), Électre (1937) ou Ondine (1939) ou La Folle de Chaillot jouée en 1945 après sa mort.
Jean Giraudoux meurt à Paris le 31 janvier 1944, à l'âge de soixante et un ans.

Ma critique :


J'ai encore passé un merveilleux moment avec une pièce de théâtre de M. Giraudoux. Cette fois-ci, on situe après "La guerre de Troie n'aura lieu" (je vous invite à voir ma chronique ), et même une dizaine d'année après le retour et la mort d'Agamemnon en son royaume. Ces deux pièces sont "fabriquées", pensées de la même façon : reprendre un mythe antique grecque pour dénoncer des événements, des façons d'être, de penser très contemporains.
J'ai particulièrement aimé la métaphore avec le sort des hérissons qui ne peuvent s'empêcher de traverser la route pour trouver un idéal, l'amour en l’occurrence, au risque de se faire écraser. C'est clairement une revendication sur le fait de retourner vers une 2eme guerre mondiale.
Il dénonce également les mauvaises intentions et/ou gestion des puissants (représentés par Egisthe, le Président) et la clairvoyance et la rationalisme du peuple (le jardinier, le mendiant).
De nombreuses allusions sont également faites à la croyance chrétienne, aux "pouvoirs" des Dieux, et à leurs conséquences.
Et encore une fois, il met en avant la condition féminine au travers du discours de Clytemnestre notamment.

J'ai trouvé détestable le personne d'Electre : réac, égocentrique, limite psychopathe tout de même. Elle n'a pas dépassé son complexe d'Oedipe (on pourrait appelé le pendant féminin le complexe d'Electre) :elle n'entend rien au mariage arrangé de sa mère, du besoin d'amour nécessaire pour l'accomplissement d'une femme, du meurtre orchestré de sa fille par son propre père (pour les "beaux yeux d'Hélène"). Elle reste dans son petit monde, dans l'amour de père qu'elle idolâtre alors qu'elle l'a vu cinq minutes au retour de la guerre, et au delà de ça, à l'entendre, elle aurait enfanter son frère, elle est dans cette toute puissance relative à ce stade œdipien, et ne l'a pas dépassé.
Alors qu'Electre représente le passé, Clytemnestre serait plutôt la femme moderne qui dénonce les mariages sans amour, et la quête d'une reconnaissance de soi en tant que femme d'exister autre que par son mari. Pour cette différence, la scène 5, acte II est vraiment superbement orchestrée.

Et Orestre, me direz-vous, dans tout ça ? Eh bien, ce pauvre Orestre, dès le départ il a les Euménides sur lui qui le poursuivent tout au long de la pièce puisqu'elles connaissent l'issue tragique. Lui, il est content de revenir dans son pays, de voir sa sœur, et essaye de renouer avec sa mère mais Electre qui tient les ficelles le conduira à sa perte, à ce matricide. Mais tout comme "Le guerre de Troie n'aura pas lieu", il est plutôt attentiste et manipulé par une femme.

Quelques citations relevées :

ACTE II. Scène 1

LE MENDIANT. Je dis Il. Je parle du jour.
ELECTRE. Je parle de la lumière.
LE MENDIANT. Cela ne va pas te suffire que les visages des menteurs soient éclatants de soleil ? Que les adultères et les assassins se meuvent dans l’azur ? C'est cela le jour. Ce n'est déjà pas mal.
ELECTRE. Non. Je veux que leur visage soit noir en plein midi, leurs mains rouges. C'est cela la lumière. Je veux que leurs yeux soient cariés, leur bouche pestilentielle.
                                               ---------------------------------------------------
ACTE II. Scène 2

LE JEUNE HOMME. Et tu ne trouves pas cela horrible?
AGATHE. Horrible? Épouvantable.
LE JEUNE HOMME. Et tu n'en souffres pas?
AGATHE. Pas du tout... Ah ! si j'en souffre? A mourir ! A mourir ! Embrasse-moi, chéri. Maintenant tu sais tout, et au fond j'en suis heureuse. Tu n'aimes pas mieux que tout soit clair entre nous ?
LE JEUNE HOMME. Oui. Je préfère tout au mensonge.
AGATHE. Quelle gentille façon de dire que tu me préfères à tout, mon amour ! ...
                                           


Fiche technique :

Editeur: Grasset                 Date d'édition : 1937      177 pages


Pour aller plus loin :




Electre sur le tombeau d'Agamemnon


Oreste massacrant Egisthe et Clytemnestre (1654) de Bernardino MEI

lundi 18 janvier 2016

Pars avec lui, Agnès Ledig

Note : *****


Présentation de l'éditeur, Flammarion :


On retrouve dans Pars avec lui l’univers tendre et attachant d’Agnès Ledig, avec ses personnages un peu fragiles, qui souvent nous ressemblent. L’auteur de Juste avant le bonheur sait tendre la main aux accidentés de la vie, à ceux qui sont meurtris, à bout de souffle. Mais aussi nous enseigner qu’envers et contre tout, l’amour doit triompher, et qu’être heureux, c’est regarder où l’on va, non d’où l’on vient.

L'auteur :
Agnès Ledig est sage-femme libérale à Obernai.

Mère de trois enfants, elle a commencé l'écriture après le décès de l'un de ses trois fils, atteint d’une leucémie. Un professeur de médecine qui suivait l'enfant lui a révélé son don de transmission et l'a encouragée à écrire?

Elle connaît un succès immédiat en 2011 avec Marie d'en haut, son premier roman, et devient le coup de cœur du grand prix des lectrices de Femme Actuelle. En 2013, Juste avant le bonheur obtient le prix Maisons de la Presse et devient un best-seller.

Ma critique :

J'ai fait connaissance avec cette auteure lors de sa participation au collectif 13 à table. Parmi toutes les nouvelles, sa plume sensible et bienveillante m'avait interpellé et donné l'envie de lire un de ses livres. C'est ainsi que j'ai lu "Juste avant le bonheur", lecture agréable et touchante.

Ainsi, lorsque à la bibliothèque je vois "Pars avec lui", j'ai eu envie de continuer l'expérience. eh bien elle ne m'a pas déçue mais elle ne m'a pas étonnée non plus, en bref, c'est un livre égal au précédent.

On démarre avec la rencontre de deux familles : celle de Roméo, ce jeune pompier qui arrive à l'hôpital en ayant chuté du 8ème étage et celle de Juliette, infirmière en "réa" qui s'occupe et s'attache à ce Roméo. Dans chacune des familles, des personnages haut en couleur, tous avec leurs défauts, leurs failles, leurs espérances, leurs rôles dans l'histoire.

Comme toujours, il y a des cassures, des fêlures, des reconstructions, des rebondissements (un petit peu trop gros cette fois-ci). Mais, Agnès Ledig met encore une fois en exerce non pas le fatalisme des aléas de la vie mais l'optimisme à toute épreuve, la résilience, cette capacité à rebondir, à s'accrocher à la vie quelque soit les événements passés.

J'ai été perturbé par le découpage du livre, trop de chapitres courts, de changements de narrateur. Certes, le roman s'en trouve dynamiser mais on se retrouve ballotter entre les uns et les autres, à la limite du mal de mer ...
Mais, j'ai été encore une fois touchée au cœur par ses personnages, surtout la grand-mère Malou (qui est surement la vraie Juliette shakespearienne ...) et ses leçons de vie, d'espoir, disséminées tout au long du livre.


Quelques citations relevées :

La chaleur d'une main tendue ne dure jamais bien longtemps quand le personnel est en sous-effectif.
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Un seul mot revenait sans cesse : le respect. Elle me disait que dans toutes les décisions de la vie , on devait agir dans le respect de soi-même, et que , quand ce respect était en danger, il fallait tout faire pour le garder. Combien de femmes, aujourd'hui vivent sans se respecter, en acceptant d'être dévalorisées par leur conjoint, ou par leur patron, au quotidien, à la maison, au travail .
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Ça doit être ça les vrais amis. Ceux qui restent même quand on part, qu'on retrouve en revenant, une semaine, un mois, un an, cinq ans après.
                                       
Fiche technique :

Editeur: Albin Michel                 Date d'édition : 2014     359 pages


Pour aller plus loin :

Le blog d'Agnès Ledig 

A la fin du livre, elle renvoie vers deux sites tenus par les personnes lui ayant inspiré la Haute-Savoie:

  • Pour le personnage de Babette, la montagne, les bouquetins




  • Pour le personnage de Alexandre, le lac, la pêche



Une chanson est évoquée dans ce livre,  Pleure pas petite sirène de Francis Cabrel (elle commence à 1m58):


jeudi 14 janvier 2016

La métamorphose, Kafka


Note : *****


Présentation de l'éditeur, Flammarion :


Un beau matin, Gregor Samsa, fils d'une famille de petits-bourgeois à l'existence médiocre, se réveille changé en un coléoptère monstrueux. Face à cette transformation aussi soudaine qu'inexplicable, c'est le comportement de tout son entourage qui se métamorphose... Régi de bout en bout par une implacable logique, La Métamorphose (1915), récit cocasse et terrifiant, est le plus célèbre des textes de Kafka.

L'auteur :
Franz Kafka est né à Prague, alors capitale de la Bohême, qui faisait partie de l'Empire austro-hongrois, d'une famille juive peu religieuse.

Très tôt, il s'intéresse à la littérature (ses premiers écrits ont disparu, sans doute détruits par Kafka lui-même) et aux idées socialistes. Après son baccalauréat, il étudie le droit et entre au service d'une compagnie d'assurances. À côté de son travail, il continue d'écrire, suivant un programme journalier particulier : le matin, il travaille au bureau ; à midi, il dort quelques heures ; ensuite, il va se promener, dîne avec des amis, pour se mettre à écrire le soir, une activité qu'il continue tard dans la nuit.  Ses deux œuvres les plus connues sont La Métamorphose et le procès mais il écrira aussi La Colonie pénitentiaire, Le Château, L'Amérique et Le Terrier.

En 1917, il tombe malade et meurt dans un sanatorium près de Vienne, en 1924, à l'âge de 40 ans.

Ma critique :

Quelle étrange lecture que celle-ci ! Il faut dire que je m'y suis reprise à deux fois : la première fois, j'ai lu le début et je dois dire que la métamorphose m'a angoissée puisque le soir même je rêvais de cloportes énormes dans ma maison. J'ai donc attendu quelques semaines avant de m'y remettre ...

Passé le début de la transformation, j'ai plus été "choquée" .. interpellée plutôt, non pas par la métamorphose en elle-même mais le récit naturel d'un phénomène tout à fait surnaturel, c'est ce qu'on appelle le style kafkaien, une absurdité normale en quelque sorte.
Pourtant je suis une fan de l'absurde mais l'absurde poussé à fond : Stéphane de Groodt, Ionesco, ... mais lorsque l'absurdité est maîtrisée à la Kafka, c'est fort et c'est fort perturbant, on ne peut pas en rire, ni en pleurer. Doit-on plaindre Gregor? non il a pas l'air si gêne que ça en fin de compte, il veut continuer sa petite vie de cafard puisqu'il est ainsi ...

L'intérêt de ce livre n'est pas dans la métamorphose en elle-même mais les conséquences psychologiques, sociologiques qui n'ont rien de fantastiques pour le coup. C'est pour cette raison que ce livre est inclassable...

Je l'ai trouvé très intéressant dans le développement qu'il fait de cette métamorphose : l'isolement, la perte d'appétit, de relations sociales.
En une nouvelle, il a su disséquer les rapports humains et mettre en exerce le matérialisme : tu ne sers plus à rien dans la société, dans la famille au contraire tu es gênant, on te met de côté, on t'élimine ... c'était en 1912.

Et maintenant ?

Quelques citations relevées :

"Tout de même se dit, se dit Gregor, quelle vie tranquille menait ma famille", et tout en regardant droit devant lui dans le noir il éprouvait une grande fierté d'avoir pu procurer à ses parents et à sa sœur une vie pareille dans un appartement aussi beau.
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Mais dans le même temps il n’omettait pas de se rappeler qu’une réflexion mûre et posée vaut toutes les décisions désespérées.
                                         
Fiche technique :

Editeur: Flammarion                  Date d'édition : 1999     136 pages


Pour aller plus loin :

Voici une petite vidéo bien ludique qui donne une interprétation de le métamorphose :


mardi 5 janvier 2016

Le cœur à la craie, Daniel Picouly

Note : *****

Récompenses :
Prix des Romancières, 2005

Présentation de l'éditeur, Grasset :


Ce merveilleux Coeur à la craie est dédié à Benjamin Franklin, inventeur du paratonnerre et... « saint-patron des coups de foudre ». Tout est dit. Daniel Picouly, renouant avec sa veine tendre, cocasse et émouvante de ses romans d'initiation, nous offre les aventures fantasques d'un enfant de neuf ans et de son copain Bonbec.
Un temps des secrets, années 60... Le narrateur et Bonbec n'ont qu'une obsession : les « poules ». Leur visage. Leurs cheveux. Leur corps. Se trouver une poule, à tout prix. « Je vais bientôt avoir neuf ans et je ne suis toujours pas tombé amoureux. Pas le moindre coup de foudre », confie le narrateur dès la première ligne. Elève à Villemomble, dans la 7ème de l'inoubliable Monsieur Brulé, instit et dompteur, il voudrait bien faire comme son père. Etre un grand amoureux. Offrir des fleurs. Dire des poèmes. Ecrire des romans. Ou à défaut, surveiller Bonbec embrassant sa « poule », dans le halo de vapeurs d'une locomotive. Ou se faire une collection de Penthouse...
Daniel Picouly est ici à son meilleur. On l'accompagne au fil de coups de foudre tour à tour drôles, pathétiques ou émouvants. Ses personnages sont inoubliables : la jeune fille malade, qu'il voudrait emmener dans l'espace, comme Gagarine ; la jeune acheteuse de Proust, qu'il aimerait aborder, entre livre, maquette et petites voitures, mais qui est une grande, et une riche ; « l'ange de Noël » qui secourt notre héros en perdition, à Orly-Sud ; Saïda, fière, désirable, généreuse, la première femme d'un été lointain... Bientôt Daniel aura treize ans : il déménagera pour la cité Million, avec ses innombrables frères et soeurs, avec ses parents, Paulette et Roger. Vers d'autres aventures. Et on le suit, comme un enfant, dévorant sa vie, une torche à la main, dans un arbre perché...

L'auteur :
Né en 1948 à Villemomble d'un père martiniquais et d'une mère originaire du Morvan, il est le onzième d'une famille de treize enfants. Il fait des études de comptabilité, de gestion et de droit notamment à l'Université de Paris Dauphine, puis devient professeur d'économie à Paris.

En 1992, grâce à Daniel Pennac, il publie son premier roman intitulé La Lumière des fous. Puis suivra de nombreux romans : on retiendra Le Champ de personne (grand prix des lectrices Elle), Fort de l'eau, Tête de nègre, L’enfant Léopard (prix renaudot 1999), Paulette et Roger, Le coeur à la craie, ... et le dernier en date: le cri muet de l'iguane. Ainsi que des livres jeunesse : la série Hondo mène l'enquête, la Série Lulu Vroumette,la série Les Chabadas et une nouvelle série ados : Little Piaf.

De mai 2005, il est présentateur de diverses émissions culturelles Café Picouly sur France 5, Café littéraire sur France 2, puis Le Monde vu par... sur France Ô, et en juillet 2012 La minute OFF. En ce moment il présente Page 19 sur la même chaîne depuis 2014.

Il se lance dans le seul en scène à la rentrée 2012 avec La faute d'orthographe est ma langue maternelle, au théâtre Tristan Bernard. Ce récit autobiographique, articulé sur ses souvenirs de cancre, lui permet de revenir sur la genèse paradoxale de sa carrière d'écrivain, tout en évoquant avec affection ses parents et ses deux plus jeunes sœurs.

Ma critique :


On plonge dans les années 50 avec l'auteur et son copain "Bonbec". Au départ, notre petit héros veut battre le record détenu par son papa d'avoir le coup de foudre le plus jeune de France, mais qu'est ce qu'un coup de foudre ? Comment tombe-t-on amoureux? Pourtant il essaie, avec la femme du bout de la rue, sa petite voisine, une infirmière, une hôtesse de l'air et la sournoise petite Emma Karérine ...
N'est-pas plutôt un prétexte pour se faire remarquer par son père qu'il doit partager avec ses 12 autres frères et soeurs, sa mère et son travail ?
On remarque aussi l'amour profond pour sa mère qui apparaît dans chaque chapitre, dans chacune des histoires qu'il vit ou se raconte. Peut-on tomber amoureux lorsqu'on adule encore autant sa maman à 9 ans (et qu'on est secrètement amoureux de Marie-Antoinette)?

Au delà de ses préoccupations enfantines, on voit se construire le futur grand auteur, qu'est Daniel Picouly : son amour pour la langue française, pour l'Histoire, les grands personnages et sa découverte de Proust.

A sa hauteur, ce livre est une petite madeleine aussi, on est baigné dans ces années grâce à un langage Titi parisien très savoureux, des références très documentées. On regrette ce temps où les enfants jouaient aux cowboys et aux indiens, aux 3 mousquetaires, ...

Quelques citations relevées :

Ça doit être ça être grand, avoir le droit de lire à table.
Pendant qu'il lit, j'observe son front. Il se déplisse lentement au fur et à mesure que le p'pa tourne les pages. Un vrai miracle. Je me demande ce qui peut être écrit dans ce livre qui arrive à déplisser le front de mon père. Surtout je voudrais bien connaître celui qui a écrit ce livre. Lui demander son secret.
C'est décidé, plus tard, moi aussi j'écrirai des livres qui déplissent le front.
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Je vais bientôt avoir neuf ans et je ne suis toujours pas tombé amoureux. Pas le moindre coup de foudre. […] 
Neuf ans déjà et toujours rien.
Il faut que je me rende à l’évidence, je ne suis pas un enfant précoce.
                                           
Fiche technique :

Editeur: Grasset                  Date d'édition : Janvier 2005     378 pages


Pour aller plus loin :

Ci-dessous une interview-biographie lors de la sortie de Roger Et Paulette, chez Ardisson: