samedi 26 décembre 2015

Train d'enfer pour Ange rouge, Franck Thilliez

Note : *****



Présentation de l'éditeur, Le livre de poche :


Un cadavre en morceaux est retrouvé aux environs de Paris. La victime a été décapitée et son corps martyrisé a fait l'objet d'une mise en scène défiant l'imagination.
Le commissaire Franck Sharko est dépêché sur les lieux. Les ténèbres, il connaît : sa femme a disparu depuis six mois. Aucun signe de vie, aucune demande de rançon. Et cette nouvelle affaire, en réveillant le flic qui dormait en lui, va l'emmener au cœur de la nuit, loin, beaucoup trop loin...

« Les amateurs de polars piafferont sans doute d'impatience pour découvrir la suite des aventures concoctées par Franck Thilliez. »Frédéric Camus –La Voix du Nord



Lire un extrait




L'auteur :
Franck Thilliez est né en 1973 à Annecy. Ingénieur de formation, il s’illustre d’abord dans les nouvelles technologies et devient très tôt spécialiste en informatique. Mais aux algorithmes et suites binaires, Franck préfère les thrillers, tout particulièrement ceux qui se passent en milieu hostile. Dès son premier roman, Train d’enfer pour Ange rouge (La Vie du Rail, 2003), Franck Thilliez est nommé pour le Prix SNCF du Polar 2004. un succès en amenant d'autres, il publie La Chambre des morts (2005), Deuils de miel (2006), La Forêt des ombres (2006), La Mémoire fantôme (2007), L'Anneau de Moebius (2008) et Fractures (2009).
La Chambre des morts, adapté au cinéma en 2007, a reçu le prix des lecteurs Quais du Polar 2006 et le prix SNCF du polar français 2007.
Plus récemment, Franck Thilliez a publié Le Syndrome [E] (2010), GATACA (2011) et Atom[k]a (2012) – trois enquêtes réunissant à nouveau Franck Sharko et Lucie Henebelle – ainsi que Vertige (2011), Puzzle (2013) et Angor (2014). Son dernier roman, Pandemia, est paru en 2015.

Ma critique :


Ce livre traînait dans ma PAL depuis un petit moment ... je me souviens en l'achetant je m'étais dit : "Tiens, j'entends parler de ce Thilliez sans le connaître!! Testons-le ...". Il faut dire aussi que je n'ai jamais lu de thriller avant, quelques polars ... eh bien, je dois dire que c'est un style très particulier pour lequel il faut avoir le cœur bien accroché !!
Dès les premières pages, un meurtre a été perpétré et nous assistons à la découverte du corps et des tortures infligées, agrémenté du rapport d'autopsie très détaillé !!! alors on est partagé entre l'envie de fermer le livre (et d'aller vomir .. non j'exagère .. quoique ...) et de continuer cette lecture qui est très captivante.

L'histoire prend vraiment aux tripes parce que les meurtres sont atroces, on côtoie les âmes les plus tortueuses mêlant violence, sexe et plaisir. L'intrigue tient bien la route même si mes soupçons sont arrivés assez vite sur le suspect (ça doit être les épisodes d'Esprits criminels qui m'ont aidés).
L'auteur a été très méticuleux dans ces descriptions aussi bien des meurtres, des sévices et des milieux fréquentés, un grand travail de recherche a été fait. En revanche, je trouve le style un peu trop scolaire qui nuit un peu dans l'authenticité des discours.

Si vous aimez les sensations fortes, vous ne lâcherez pas ce livre !!

Quelques citations relevées :

Il est des moments où il devient impossible de ressentir la douleur d'autrui; on peut juste l'imaginer, en sentir le souffle le long de l'échine, frissonner au point de se blottir sous des couvertures. Mais on ne peut pas se mettre à la place. Jamais...
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Les souvenirs s'estompent mais ne disparaissent pas, ils vont et viennent comme des langues d'écumes qui s'échouent sur une plage avant de repartir grandies par leur substance même. Ils tissent ce que nous sommes, bien plus que ce que nous avons été.
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Lorsque je rentrais, tard le soir la plupart du temps, j'essayais de faire abstraction de ma journée une fois le seuil de ma porte franchi. Mais on ne se débarrasse jamais des mauvaises herbes que l'on arrache par les tiges...


Fiche technique :

Editeur: Pocket                  Date d'édition : Juin 2011      448 pages


Pour aller plus loin :

Franck Thilliez parle de son livre :


vendredi 18 décembre 2015

La guerre de Troie n'aura pas lieu, Jean Giraudoux


Note : *****



Présentation de l'éditeur, Le livre de poche :


«La guerre de Troie n'aura pas lieu», dit Andromaque quand le rideau s'ouvre sur la terrasse du palais de Priam.
Pâris n'aime plus Hélène et Hélène a perdu le goût de Pâris, mais Troie ne rendra pas la captive car pour tous les hommes de la ville «il n'y a plus que le pas d'Hélène, la coudée d'Hélène, la portée du regard ou de la voix d'Hélène », et les augures eux-mêmes refusent de la laisser partir.
Hector, pour Troie, et Ulysse, pour la Grèce, tentent à tout prix de sauver la paix. Mais la guerre est l'affaire de la Fatalité et non de la volonté des hommes. La guerre de Troie aura lieu.

Pièce en deux actes, La guerre de Troie n'aura pas lieu a été représentée pour la première fois le 22 novembre 1935 au Théâtre de l'Athénée, sous la direction de Louis Jouvet. Son succès fut éclatant et immédiat et ne s'est jamais démenti depuis.



Feuilletez




L'auteur :
Jean Giraudoux est né en 1882, il est reçu à l'Ecole Supérieure Nationnale en 1903. A partir de 1910, il devient diplomate et Vice-consul à la direction politique et commerciale du ministère des Affaires étrangères, il sera inspecteur des postes diplomatiques et consulaires en 1934, puis, en 1939, commissaire à l'Information, poste qu'il abandonnera l'année suivante pour se retirer près de Vichy, à Cusset.
Jean Giraudoux est un des dramaturges français le plus considérable de l'entre-deux-guerres. Il a écrit des pièces célèbres comme Amphitryon 38 (1928), La guerre de Troie n'aura pas lieu (1935), Électre (1937) ou Ondine (1939) ou La Folle de Chaillot jouée en 1945 après sa mort.
Jean Giraudoux meurt à Paris le 31 janvier 1944, à l'âge de soixante et un ans.

Ma critique :


La guerre de Troie n'aura pas lieu ? eh bien, si, l'Histoire ou (et?) le Destin veut qu'elle ait eu lieu, mais comment en est-on arrivé là ?

Petit rappel de l'histoire : Tout à commencé un jour de banquet où la déesse de la Discorde qui n'était pas invitée (un peu comme Maléfique à la naissance d'Aurore ...) décide de lancer la Pomme de la discorde où il est écrit "pour la plus belle". Bien sûr, les déesses toutes aussi superficielles et orgueilleuses les unes que les autres demandent à Zeus (mâle dominant mais plutôt pleutre sur ce coup) de désigner LA plus belle. Celui-ci décide de confier cette tâche (si existentielle) à Pâris, un troyen (le plus beau de tous les humains) qui choisit la belle Aphrodite qui lui promis l'Amour de la plus belle des mortelles .... la fameuse Hélène. Sauf que Hélène, grecque d'origine, est mariée à Ménélas ... et c'est là que commence le drame : ils partent vers Troie rejoindre le père et roi de Troie, Priam. Ménélas, quant à lui rameute tous les rois des états grecs, qui en pinçaient tous pour la belle Hélène et lui avaient juré protection (Ulysse, Achille, .. pour les plus connu).

La pièce de Giraudoux, commence donc quand Hector, fils de Priam et frère de Pâris, rentre de guerre, en se disant qu'il a bien mérité un peu de repos et qu'il va enfin profiter de sa femme Andromaque (la célèbre Andromaque, bien connu des "raciniens") qui de surcroit, attend un petit (la fameuse pièce d'échange au cœur de l'ouvre de Racine). Et là, il apprend que son frère, Pâris n'est pas rentré seul et qu'Hélène est tellement bêeelle que personne ne veut qu'elle parte et puis tant pis s'il y a une guerre après tout ...
Le pauvre Hector ! Il tente tout pour éviter cette guerre, la persuasion auprès des hommes et d'Hélène, l'humiliation (en passant outre les gifles de Oiax et même la cour qu'il fait à sa propre femme) et la démonstration, avec Ulysse. Il est épaulé de sa sœur Cassandre, qui prédit tous les malheurs que cela engendrera sur Troie, mais comme Apollon a bien fait son boulot, personne ne la croit (je rappelle, qu'elle a le don de divination mais Apollon, furieux d'avoir été éconduit par la demoiselle, lui a retiré le don de persuasion) et de sa femme Andromaque (qui sent bien que c'est elle qui va perdre beaucoup dans l'histoire ...) qui essaye elle aussi de dire à Hélène de repartir en Grèce, en vain ...à la fin elle lui demande au moins d'aimer Pâris pour que les hommes ne meurent pas pour rien ...

De l'autre côté, chez les grecs, Oiax qui au départ, est très virulent et veut tuer Pâris pour l'affront fait à Ménélas et aux Grecs, ressort, après sa discussion avec Hector, plutôt raisonné et est prêt à repartir. Reste plus qu'à décider Ulysse, messager des grecs, qui lui n'est ni pour ni contre, ils s'en remet au Destin.
Le pire personnage est donc Demokos, le poète "guerrier", il trouve tous les faux prétextes pour que les autres aillent au combat (pas fou le gars, c'est pas lui sur le front ...): la fierté troyenne, les valeurs à défendre, les femmes à protéger, et enfin le mensonge.

Le destin fait que ...

Mais éloignons-nous un peu de la guerre de Troie car comme dans l'Histoire, cette pièce sert de cheval de Troie à Giraudoux pour nous dire ce qu'il pense de la guerre, des décideurs, de la vanité des hommes et de la future guerre qui se prépare.

Nous sommes en 1935, aux prémisses de la 2nde guerre mondiale et Giraudoux, qui a combattu à la 1ère a bien senti dans l'atmosphère qui règne qu'une 2eme n'est pas loin de se déclarer. Et donc, clairement, les causes, ce ne sont pas pour une belle femme ou pour suivre un quelconque destin mais à cause des hommes et principalement ceux qui ne sont pas sur le terrain, les décideurs, les chefs (représenté par Priam) et les intellectuels, les patriotes sur le papier (Demokos, dans la pièce).

Un petit mot sur le style d'écriture, il use du mélange des genres entre la tragédie, la comédie et l'absurde (voire burlesque) : voir les citations. Il a su rester dans l'histoire grecque tout en parsemant des faits d'histoire contemporaine (a savoir sur la 1ère et la 2nde guerre mondiale) très habilement et intelligemment. Un grand auteur !!

Quelques citations relevées :

Acte I, scène 6 :
ANDROMAQUE : Oh ! justement, père vous le savez bien ! Ce sont les braves qui meurent à la guerre. Pour ne pas y être tué, il faut un grand hasard ou une grande habileté. Il faut avoir courbé la tête ou s'être agenouillé au moins une fois devant la danger. Les soldats qui défilent sous les arcs de triomphe sont ceux qui ont déserté la mort. Comment un pays pourrait-il gagner dans son honneur et dans sa force en les perdant tous les deux?
PRIAM : Ma fille, la première lâcheté est la première ride d'un peuple.
ANDROMAQUE : Où est la pire lâcheté? Paraître lâche vis-à-vis des autres, et assurer la paix? Ou être lâche vis-à-vis de soi-même et provoquer la guerre?
DEMOKOS : La lâcheté est de ne pas préférer à toute mort la mort pour son pays.
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Acte I, scène 4 :
PARIS: Dis-moi que tu hais Ménélas ...
HELENE : Ménélas? Je le hais.
PARIS: Tu n'as pas fini... Je ne retournerai jamais en Grèce. Répète.
HELENE : Tu ne retourneras jamais en Grèce.
PARIS : Non, c'est toi qu'il s'agit
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Acte II, scène 3 :
DEMOKOS : Hélène, une minute ! Et regarde-moi bien en face. J'ai dans la main un magnifique oiseau que je vais lâcher... Là, tu y es? ... C'est cela... Arrange tes chevaux et souris un beau sourire.
(...)
DEMOKOS : Ne bouge plus...Une ! Deux ! Trois ! Voilà ... c'est fait, tu peux partir ...
HELENE : Et l'oiseau?


Fiche technique :

Editeur: Le livre de poche                  Date d'édition : Février 1972      190 pages


Pour aller plus loin :


Vénus persuade Hélène de tomber amoureuse de Pâris par Angelica Kauffman. 
( © Musée de l'Ermitage, St Petersbourg)

Hector adresse des reproches à Pâris - P.C.F. Delrome -  © musée de Picardie (Amiens)


Le cheval de Troie, détail d'une peinture de Giambattista Tiepolo


lundi 7 décembre 2015

La petite communiste qui ne souriait jamais, Lola Lafon


Note : *****

Récompenses:

Prix de la Closerie des Lilas -2014
Le prix Ouest France / Etonnants Voyageurs - 2014
Grand Prix de l'héroïne, Madame Figaro - 2014
Prix Littéraire d'Arcachon -2014
Prix des lecteurs de Levallois - 2014
Le Prix Jules Rimet sport et littérature - 2014
Prix Version Femina - 2015

Présentation de l'éditeur, Actes Sud :


Parce qu’elle est fascinée par le destin de la miraculeuse petite gymnaste roumaine de quatorze ans apparue aux JO de Montréal en 1976 pour mettre à mal guerres froides, ordinateurs et records au point d’accéder au statut de mythe planétaire, la narratrice de ce roman entreprend de raconter ce qu’elle imagine de l’expérience que vécut cette prodigieuse fillette, symbole d’une Europe révolue, venue, par la seule pureté de ses gestes, incarner aux yeux désabusés du monde le rêve d’une enfance éternelle. Mais quelle version retenir du parcours de cette petite communiste qui ne souriait jamais et qui voltigea, d’Est en Ouest, devant ses juges, sportifs, politiques ou médiatiques, entre adoration des foules et manipulations étatiques ?
Mimétique de l’audace féerique des figures jadis tracées au ciel de la compétition par une simple enfant, le romanacrobate de Lola Lafon, plus proche de la légende d’Icare que de la mythologie des “dieux du stade”, rend l’hommage d’une fiction inspirée à celle-là, qui, d’un coup de pied à la lune, a ravagé le chemin rétréci qu’on réserve aux petites filles, ces petites filles de l’été 1976 qui, grâce à elle, ont rêvé de s’élancer dans le vide, les abdos serrés et la peau nue.

La petite communiste qui ne souriait jamais figure parmi les 25 romans de l'année sélectionnés par les critiques du Point.



Feuilletez le début




L'auteur :

D’origine franco-russo-polonaise, élevée à Sofia, Bucarest et Paris, Lola Lafon s’est d’abord consacrée à la danse avant de se tourner vers l’écriture. Ses  trois premiers romans sont parus chez Flammarion : Une fièvre impossible à négocier, Prix  A tout lire,  De ça je me console  et Nous sommes les oiseaux de la tempête qui s’annonce , Prix Coup de Cœur de la 25ème heure au salon du Livre du Mans et finaliste du Prix Marie-Claire. Ce dernier roman a été adapté au théâtre par la compagnie « Les Fugaces » et Leila Kilani, travaille actuellement à une adaptation cinéma.

Lola Lafon est également musicienne, elle a deux albums à son actif :« Grandir à l’envers de rien » et « Une vie de voleuse ». Chaque sortie de roman a été accompagnée d’un « concert lecture ».

Politiquement engagée dans plusieurs collectifs anarchistes, antifa et féministes, Lola Lafon s’est parfois exprimée  dans certains quotidiens. Elle donne également quelques ateliers d’écriture dans des lycées pour la plupart classés en « difficulté » et elle a, en 2013, commencé à animer un atelier d’écriture à Bucarest, en français, avec des jeunes roumain(e)s. 

Ma critique :


Très belle découverte que ce livre!
Dans un 1er temps séduite par la couverture (où je n'avais pas reconnu Nadia Comaneci au 1er coup d’œil), je le fus d'autant plus par le style d'écriture de Lola Lafon.

L'histoire, nous fait remonter aux années Ceaucescu; période pas toute rose pour les roumains (régime communiste totalitaire du blog de l'Ouest où les moindres faits et gestes sont épiés, scrutés - soit on se plie aux règles soit ..., le choix était-il possible? oui comme toujours mais à quel prix?).
Et soudain, lors des JO de Montréal, surgit une jeune fille de 14 ans, minois de fillette mais corps d'athlète qui voltige, qui retombe toujours sur ses pieds sans une once d'hésitation, de tremblement et qui réalise l'impensable (puisque même les techniciens n'avaient pas envisager cet exploit pour l'affichage du tableau) : un 10, puis suivront une ribambelle de 10 et de médailles.

Lola Lafon revient sur cet exploit, sur la personnalité, le mental d'acier de cette gymnaste, le couple d’entraîneurs, tant décriés pour leurs méthodes mais admirés par leurs résultats (les américains ne les ont-ils pas fait venir de Roumanie pour être champion? qu'importe le flacon, pourvu qu'on est l'ivresse ...). Elle décortique les rapports de Nadia avec le pouvoir en place : où commence le libre-arbitre? où s'arrête la soumission ? On la suit tel un pantin désarticulé, marionnette aux mains du Conducator, qui échappe à ses parents, à son entraîneur même, pour représenter La Roumanie, toute puissante face à l'URSS et au monde occidental. Elle pointe le régime Ceaucescu dans son contrôle des femmes, de la menstruation au nombre d'enfants obligatoires.

Dans tous ces sujets abordés, Lola Lafon nous laisse le libre-arbitre justement et elle utilise intelligemment ses conversations fantasmées pour nous apporter d'autres points de vue, nous faire questionner : Béla était dur, oui, mais Nadia avait des prétentions au-delà des siennes encore ! La Roumanie était liberticide, oui mais les sociétés occidentales ne sont-elles pas pire car ne donnons-nous pas nous-même le fouet, avec tous nos appareils géolocalisés ou pucés (téléphone, carte bleue, carte vitale, carte transport, ...) ?
Lola Lafon utilise l'écriture comme la gymaste utilisait ses agrès ou la musicienne qu'elle est, utilise son instrument: elle virevolte, rebondit, nous fait passer par toutes les émotions : tendresse, sarcasme, naïveté, réalisme, compassion, haine.

Durant toute cette lecture, me restaient deux images de mon enfance/adolescence, les pirouettes de Nadia et les corps des Ceaucescu. Ce livre, c'est cela : on passe de la fascination à ce petit bout de femme, véritable OVNI de la gymnastique, du sport même, au mal l'aise, au dégoût (voire la nausée) des circonstances dans lequel tout est arrivé, il reste un gout amer ...

Quelques citations relevées :

"Toute la journée, il commande: refais. Recommence. Les poignets des petites en équilibre cèdent sous leur poids. Des crampes les tiennent éveillés la nuit, la faim les réveille de plus en plus tôt, à 4 heures du matin, il les entend chuchoter dans le dortoir. Au dîner, elles se nourrissent en silence, des gestes secs pour porter la fourchette à leur bouche. Leurs larmes changent, elles aussi : ce qu'elles pleurent, à chaque entrainement, c'est l'impossibilité d'aller plus loin, enragées comme devant une construction de tendons et de muscles qui cèdent avant elles."
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"Vous avez contribué à la fabrication de cette image. A travers vous, le pouvoir faisait la promotion d'un système. La réussite totale du régime communiste, l'apothéose de la sélection: l'Enfant nouvelle surdouée, belle, sage et performante.
(Rire agacé.)
Ah oui, bien entendu! Les Roumains vendaient le communisme. En revanche, les athlètes français ou américains, aujourd'hui ne représentent aucun système, n'est-ce pas, aucune marque!!..."
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"C'est quoi votre modèle? Crever de faim dans la rue ou mourir de solitude dans son appartement? L'ennui à crédit? Parvenir-réussir-arriver? Où ça?? J'en ai marre d'être obligée de vous désirer, le rêve occidental, ah, ces pauvres crasseux de l'Est à qui vous ne cessez de faire la leçon avec votre merveilleuse démocratie idéale, ça va, on a compris!"


Fiche technique :

Editeur: Actes Sud                  Date d'édition : Janvier 2014      320 pages


Pour aller plus loin :




Le programme à la poutre de Nadia, au JO de Montreal - Je vous invite à regarde aussi les barres asymétriques

Revenons au livre :

Lola Lafon parle de son livre, à la libraire Mollat, Paris



Un extrait du concert-lecture


mardi 1 décembre 2015

e=mc² mon Amour, Patrick Cauvin


Note : *****


Présentation de l'éditeur, Gallimard :
"Lui un peu voyou, elle un peu bêcheuse, ces deux bambins qui totalisent moins de vingt-trois printemps vont se rencontrer, se flairer, se reconnaître et vivre dans l'incompréhension générale ce qui est légitime d'appeler un grand amour.
J'aime dans ce roman de Patrick Cauvin - outre toutes les qualités de fraîcheur, de légèreté, d'invention qu'il faut pour faire l'enfant sans faire la bête - ce qu'il dit sans avoir l'air d'y toucher et qui va beaucoup plus loin que son joli récit."
François Nourissier

Best-seller des années 80, e=mc2 mon amour, le grand roman de Patrick Cauvin, trouvera de nouveaux lecteurs avec Pythagore, je t'adore qui en est la suite.

L'auteur :


Né en 1932, Patrick Cauvin décède en 2010 après une carrière prolifique. Il écrira plus de 40 romans sous ce pseudonyme mais également sous son vrai nom Claude Klotz, à tendance plus policière, mais également des romans jeunesse, des essais, des scénari, un recueil de nouvelles et une pièce de théâtre.E=mc2 mon Amour a été son premier grand succès qui l'a révélé au public, il sera adapté au cinéma l'année suivante par George Roy Hill.



Ma critique :
Dans le cadre du challenge variétés, une catégorie me paraissait compliquée "lire un livre paru l'année de notre naissance" et en furetant, je m'aperçois que c'est le cas de E=Mc2, mon amour. Et là, je me dis "bingo" (comme notre jeune héros)! J'avais en tête que ce livre m'avait marqué puisqu'en le trouvant je ressentais une bouffée de nostalgie bienfaisante, de retour en enfance (je me revoyais dans ma chambre d'ado, allongée sur mon lit et passant l'après-midi à lire ...ah! c'était le bon temps tout !!).

Et double "bingo" !! Ce livre est touchant de sincérité, d'amitié, d'amour, de partage, de simplicité.

L'histoire est vieille comme Shakespeare, 2 adolescents que tout oppose, à part leur extrême intelligence, tombe amoureux, certes à 11 ans (mais quitte à être en avance, autant l'être dans tous les domaines!) et seront confrontés au dictât de la normalité - mère de tous les vices pour réussir dans la vie.

Mais voilà, ces deux enfants-là ne sont pas comme les autres (malheureusement pour eux, la différence complique l'intégration) : ils ne lisent pas, ni ne regardent des œuvres pour enfants, ils n’idolâtrent pas leurs parents au point de s'en oublier. Non, c'est l'inverse : lui est expert en cinéma et elle en littérature et parle en alexandrins, et ils parlent d'amour, de leur amour réciproque comme même les adultes en sont incapables.
Mais, le monde est géré par des adultes qui prennent les décisions même pour des enfants plus matures, plus intelligents qu'eux, donc l'avenir semble compromis pour nos deux tourtereaux ...

Le livre est écrit à 2 voix alternativement, chaque chapitre est soit raconté par Daniel que l'on distingue par son parlé "titi parisien", très typique mais mal vieilli il faut le dire, soit par Lauren, avec son langage soutenu parsemé d'alexandrins. Ainsi, on se rend compte que les deux personnages avancent ensemble côte à côte dans une même direction, n'est-ce pas le signe d'un amour véritable ?

En plus de l'amour, il y a beaucoup d'humour dans ce livre : on imagine la tête du père quand Lauren lui parle philosophie, de la consternation des copains devant leur jeu "ultra simpliste" d'un mélange d'échecs-belote-poker, ...

Et enfin de l'incompréhension, pourquoi la société n'a-t-elle pas de place pour ces 2 enfants surdoués au point que même leurs parents les regardent comme des extra-terrestes, qu'ils sont prêts à inventer un stratagème pour partir dans des contrées lointaines pour ne plus être vus différemment ?

Patrick Cauvin essaye de briser le silence de la différence, de casser les cases où chacun est mis dès la naissance. Mais où en est-on presque 40 ans plus tard ? Bien sûr,la prise en charge d'enfants surdoués, ou déficients a considérablement évoluée mais n'est pas efficiente pour autant ...allez encore des efforts !!

Quelques citations relevées :

"Je te comprends, a-t-elle répondu rêveusement; personnellement, le dieu de Heidegger me paraît plus proche de ma conception que celui de Descartes, abstraction quasi pure."
Nous avons continué un moment à échanger des propos de notre âge ..."
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"Ça s'ouvre et ... Bingo, pour le coup, il n'y a plus de banlieue. Il n'y a plus de Paris non plus, plus de France, ni d'univers, juste une fille plantée, unique sur la planète, devant moi et pour moi seul; oui, voilà ce que c'est, Lauren, en cette seconde, et je la verrais toujours maintenant comme ça, avec son sourire."


Fiche technique :

Editeur: JC Lattès / Le livre de poche                  Date d'édition : Janvier 1977      221 pages


Pour aller plus loin :


Pas de vidéos où il parle de son livre, mais je vous propose la bande annonce de l'adaptation cinématographique, I love you, Je t'aime (a little romance, dans la version originale)